Donnons le goût du risque à nos talents
L’institut d’études du groupe Obea (Infraforces) a récemment opéré un recensement des ETI françaises. Le décompte est sans appel : il y a en France à peine plus de 1000 ETI françaises ! Au-delà des analyses et des constats usuels en matière de freins à l’investissement et à la croissance, ne faut-il pas réinterroger la capacité de nos talents à prendre des risques pour faire grandir les PME ?
Gouvernement après gouvernement, le développement des PME françaises est déclaré grande cause nationale. Il est vrai que les constats sont inquiétants. Nous ne développons pas suffisamment de champions internationaux à même d’assurer la relève des grandes entreprises françaises, et de créer de l’emploi. Notre tissu économique manque notamment d’Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI) qui sont les moteurs de l’exportation.
Un nombre d’ETI en berne
L’institut d’études du groupe Obea (Infraforces) a récemment opéré un recensement des ETI françaises. Bien loin de l’estimation globale des 4700 ETI (selon la définition statistique définie par la Loi de Modernisation de l’Economie de 2008), le décompte est sans appel si l’on s’en tient aux critères exacts (et notamment l’indépendance capitalistique) : il y a en France à pleine plus de 1000 ETI françaises !
Beaucoup d’économistes et d’hommes politiques se penchent régulièrement sur la question du frein au développement des PME. Leurs constats et leurs préconisations portent en général sur :
- La réglementation foisonnante ;
- L’instabilité fiscale ;
- Les rigidités du marché du travail et les seuils sociaux ;
- Le comportement des grandes entreprises à l’égard des PME ;
- La commande publique ;
- L’investissement et la R&D.
Nous ne remettons pas en cause ces analyses mais il nous semble néanmoins que le facteur humain y est trop souvent négligé.
Regarder la problématique sous un angle humain et managérial
Du fait de leur fragilité structurelle et financière, et de leur sensibilité à la conjoncture, les PME ont encore plus que les grands groupes besoin d’attirer et de développer des ‘talents’. Nous ne sommes pas ici dans l’acception large du talent. Nous parlons ici des talents qui sont capables de faire la différence, de créer des ruptures sur un marché.
Le premier d’entre eux bien entendu est le dirigeant de l’entreprise. Bien souvent issu d’une culture technique, il se retrouve un peu parfois malgré lui propulsé à la tête de sa propre entreprise sans mesurer les challenges auxquels il va devoir faire face dans la durée. Après une première phase de développement basée souvent sur une première innovation bien maîtrisée, il lui faudra être en capacité de renouveler en permanence sa proposition de valeur.
Prendre des risques pour renouveler la proposition de valeur
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la prise de risque la plus importante n’est pas au démarrage de l’entreprise (car finalement le couperet tombe assez vite comme le montre les résultats de l’étude ‘jeunes pousses’ réalisée par Infraforces) mais au bout d’un premier cycle de 3 à 5 ans, où il va falloir réussir à transformer à la fois l’offre et les modes de fonctionnement de l’entreprise.
Cette phase est bien plus délicate car cette transformation va s’opérer alors que les charges et les contraintes qui pèsent sur l’entreprise s’accumulent. Le dirigeant peut alors assez légitimement être tétanisé à l’idée que ses erreurs stratégiques pourraient lui coûter très cher. C’est d’ailleurs là une différence de posture majeure avec les chefs d’entreprise de nos voisins allemands. Nos dirigeants de PME manquent de culture d’investissement et ont plus de difficulté à développer une vision stratégique à moyen et long terme. Leur formation et leur culture technique ne les y ont pas préparés. Investir pour préparer l’avenir, c’est cela le message qu’il faut marteler et relayer en proposant un accompagnement stratégique et managérial à nos chefs d’entreprise.
Cet accompagnement peut prendre la forme de conseil pour mener une revue des activités, se benchmarker et élaborer un plan stratégique à 3/5 ans. Il peut également nécessiter de recourir à du coaching pour bénéficier à la fois d’un conseil extérieur et de proximité et apprendre à développer les bons réflexes managériaux.
Il s’agit là de doter le chef d’entreprise des outils qui rendront plus acceptable la prise de risque, et d’adapter au contexte particulier des PME des pratiques qui ont été depuis fort longtemps adoptées par les grands groupes. A noter également que ces approches sont systématiquement mises en œuvre par les sociétés de Private Equity dès lors qu’elles investissent dans des PME. Mais dans notre approche, il s’agit au contraire de permettre aux dirigeants de PME de conserver leur indépendance capitalistique !
Dans cette quête de performance et de durabilité, un facteur clé est la capacité du dirigeant à attirer les talents. Là encore, les grands groupes ont compris depuis longtemps que la clé du succès résidait dans l’intégration permanente de nouveaux talents. Ils ont à leur disposition un ‘arsenal’ de recrutement qu’ils arrivent à rentabiliser assez facilement avec l’effet ‘volume’. De surcroît, ils n’ont pas ou moins à rémunérer le coût du risque.
Dans ces conditions, comment les PME peuvent-elles être compétitives sur le marché du recrutement ? Comment réussir à convaincre de jeunes talents de venir participer à l’aventure ? Comment les convaincre, alors même que les packages de rémunération proposées (incluant toute sorte d’avantages) ne peuvent pas être compétitifs par rapport aux leaders du marché ? Comment les convaincre d’accepter de faire des sacrifices personnels pour accompagner le développement de l’entreprise ?
Tout cela alors même qu’en France, ont été supprimées année après année toutes les formes de rémunérations qui avaient justement été conçues pour rémunérer le risque (le Long Term Incentive).
La première des clés là encore est le leadership du dirigeant. Il doit séduire par sa vision. Être en mesure de faire rêver les jeunes talents, leur donner envie de se dépasser en permanence. Il doit partager son enthousiasme, donner confiance, montrer que tout est possible dès lors que l’on s’en donne les moyens.
Cette vision, ce leadership doit également être accompagnée d’une ‘Promesse Employeur’, comme par exemple la possibilité de prendre rapidement des responsabilités managériales en France ou à l’international (ce qui peut être un facteur très différenciant). Cette promesse employeur doit également reposer sur la définition de processus RH clairs et partagés.
Et bien au-delà, le dirigeant doit partager et communiquer son goût pour la prise de risque. Car cela aussi, il faut le marteler (notamment auprès des étudiants), que ce soit à l’échelle d’un Etat, d’une entreprise ou d’un individu, il ne peut pas y avoir de création de valeur sans prise de risque.
Alors donnons le goût du risque à nos talents !
7 mars 2013