Le DRH doit reconnecter l’entreprise
Alors que l’hyper rationalisation des organisations conduit à un éloignement des salariés entre eux, il semble indispensable d’engager un travail de fond pour renforcer le lien social. Pour les DRH, c’est l’occasion de revenir sur leur cœur de métier : la gestion des Hommes et des Femmes de l’entreprise, et ce qu’elle implique en termes de proximité et de connaissance des individus.
Un lien social à la fois indispensable et en danger
- Alors que les organisations tendent à éloigner les individus, l’atteinte des objectifs business nécessite toujours plus de connexions entre eux.
Du top talent qui devra mener une carrière internationale et tisser un réseau très large et très multiculturel à l’intérieur de l’entreprise, aux techniciens experts qui seront centre de support auprès de commerciaux à l’autre bout de la planète. Les phases successives de développement, d’internationalisation et de rationalisation ont créé de la distance entre les entités d’un même groupe.
- Les entreprises ont besoin de favoriser l’initiative et la coopération.
Dans l’entreprise de demain, on sera amené à travailler avec tout le monde, en réseau. Il ne suffira plus de recruter des talents, il faudra les faire travailler ensemble et donc pour cela créer de la confiance réciproque. Dans les organisations complexes, les processus de décision ont tendance à devenir opaques. Cette opacité peut propager un sentiment d’iniquité peu favorable à la coopération.
- Le rythme des mouvements de délocalisation/relocalisation va s’intensifier.
A l’avenir, l’entreprise va mener en permanence des arbitrages basés sur le niveau de compétences de la main d’œuvre locale, le contexte énergétique et fiscal, les parités entre monnaie, ou encore les débouchés du marché local… Ce qui conduira à une atomisation encore plus forte de sa chaîne de valeur. A contre-courant du mouvement de désindustrialisation en France, Toyota a très récemment pris la décision de produire en France des Yaris pour les exporter sur le marché américain. Ce n’est qu’un exemple mais il illustre la rapidité avec laquelle les entreprises opèrent ces choix et ce que cela peut impliquer en matière d’organisation et de management.
- L’entreprise doit de plus en plus être tournée vers les hommes qui la composent.
Il lui faut développer une forte proximité et connaissance des individus afin par exemple de réagir rapidement aux situations individuelles difficiles ou parfois de détresse. L’enchevêtrement des organisations hiérarchiques, fonctionnelles et projet doublé par des organisations en Centre de Services Partagés ne permet plus cette connaissance fine des individus. De plus personne dans l’entreprise ne porte cette responsabilité non répertoriée dans les référentiels de processus !
Les différentes composantes de l’organisation en voie de déconnexion
L’étirement des organisations au sein d’une entreprise conduit peu à peu, sans mesure appropriée, à une déconnexion de ses différentes composantes.
- Déconnexion organisationnelle
Les études RH que nous menons, et notamment celles concernant les managers de proximité, montrent qu’au sein de l’entreprise si les collaborateurs se sentent en confiance au sein de leur ‘cellule’ d’appartenance, il en va tout autrement sur ce qui se situe au-delà de cette cellule. Au sein de cette cellule sont notamment valorisés le lien avec l’équipe et le fait de se sentir utile à l’organisation. L’ambiance de travail y est qualifiée de plutôt bonne. En revanche l’ambiance de travail globale au sein de l’entreprise est nettement moins bien perçue.
- Déconnexion hiérarchique
On note également une déconnexion qui peut parfois être importante entre le siège (ou les entités corporate) et les entités locales. Entre les deux, les informations circulent mal. Et les entités locales peuvent faire face à des injonctions contradictoires du fait d’un manque de coordination aux niveaux supérieurs. Les processus RH et notamment le cascading des talent reviews peuvent conduire à des prises de décision sans véritable connaissance des talents concernés.
- Déconnexion culturelle
Enfin, la compatibilité des modes de management avec des cultures distantes de celle du siège n’est pas étudiée avec suffisamment d’attention. Cela génère des incompréhensions et pénalise le déploiement des projets « Groupe » ou le bon déroulement des projets transversaux.
Se saisir d’un objectif de proximité et s’occuper des Hommes
On ne peut pas se limiter à des technologies pour rapprocher les individus. Certes les Réseaux Sociaux d’Entreprise (RSE) représentent une opportunité formidable pour décloisonner les organisations. Ils vont sans aucun doute se substituer au fur et à mesure aux processus de gestion de carrière et de mobilité en reflétant réellement le fonctionnement organique des entreprises.
Mais cela ne suffira pas et il faudra mettre en œuvre un certain nombre d’évolutions clés comme par exemple :
- Alléger les sièges : ils sont coupés de la réalité et s’installent dans des postures trop conceptuelles.
- Redonner aux RH la capacité de créer de la proximité, de connaître les gens : cela doit revenir au cœur du métier des Ressources Humaines.
- Expliquer, alléger les processus de décision pour créer de la confiance et diffuser un sentiment d’équité.
- Déployer et animer les RSE autour d’objectifs clairs de partage et d’apprentissage.
- Développer des talents multiculturels : ils doivent servir de courroie de transmission et permettre d’adapter les modes de fonctionnement à des cultures très diverses.
Le sujet n’est évidemment pas de revenir sur des organisations nécessaires à la performance économique de l’entreprise, mais il faut réinterroger les modèles pour s’assurer que le lien social subsiste et se renforce.
Finalement, après avoir optimisé les processus de gestion, l’entreprise va devoir regarder de près ses processus relationnels et s’occuper des Hommes.
Cela s’inscrit dans le cadre d’une responsabilité sociale toujours plus large de l’entreprise (à l’intérieur comme à l’extérieur). Ce lent mouvement de fond dont certaines entreprises font déjà leur marque de fabrique est irréversible.
7 juin 2013